samedi 9 mai 2009

Maroc - Marrakech


Quand je me lève, Pascale et Sylvie sont déjà parties. Je suis la prochaine à quitter le riad, mais j'ai encore quelques heures devant moi et l'intention d'en profiter pour terminer mon shopping. Tandis que Doris part chez le coiffeur, Antonia, Valérie, Geneviève et moi reprenons le chemin désormais (presque) familier des souks. Nous retournons au magasin de carnets, puis chez le marchand de théières ou j'avais repéré un joli modèle ancien le premier jour. Je finis par l'emporter pour 250dh, sans trop marchander car il me reste du liquide que je ne pourrai pas rechanger en euros. Quelques jolies cuillères typiques, taillées d'un bloc dans du bois de citronnier, et un petit flacon ouvragé (pour mettre le sable de la page de Sidi Kaoki ramassé jeudi) complètent mes achats. La lumière est très belle ce matin et met joliment en valeur les étalages colorés, mais effrayée par la mésaventure d'hier, j'ai laissé mon appareil photo au riad. Dommage.

Je quitte les filles, qui on rendez-vous avec Doris place Jemma El Fna pour un dernier déjeuner ensemble, et regagne le riad toute seule. A cause d'un camion stationné devant l'entrée du derb, je rate l'endroit où je suis censée tourner à gauche et m'aperçois de mon erreur quand je me retrouve face aux remparts de la medina. Je fais demi-tour et arrive au riad vers 11h, ce qui me laisse le temps de refaire ma valise, de boire un Coca light et de croiser François et sa femme qui rentrent de leur stage de tai-chi. Puis Majoub arrive pour me conduire à l'aéroport. Je repense au trajet fait en sa compagnie il y a huit jours à peine, et à tout ce qui s'est passé dans l'intervalle. La semaine a été riche en enseignements, en découverte et en émotions. Désormais, le tutoiement me vient tout seul (et quelques réflexes de marchandage, aussi). Je dis à Majoub combien j'ai aimé son pays et son peuple, ce qui semble lui faire très plaisir. En me déposant devant l'entrée de Menara, il me prend le visage entre les mains, me serre contre lui et me claque deux bises.

Le trajet du retour est un peu moins agréable. Parce que deux compagnies se partagent mon vol retour vers Madrid et que celui-ci est surbooké, je n'obtiens ma carte d'embarquement qu'à l'heure où ledit embarquement est censé commencer. Et il me reste encore à passer la douane plus le contrôle des passeports. Je suis sur des charbons ardents, craignant de manquer mon premier vol, donc ma correspondance pour Bruxelles, et de devoir passer une nuit de plus à Marrakech ou à Madrid (j'apprendrai plus tard que c'est ce qui est arrivé à Doris et à Geneviève, mais que la compagnie les a logées dans un palace 5 étoiles, ce qui a dû pas mal les consoler!). Mais au final, je réussis à attraper mon avion. Pas mal de turbulences pendant le vol; mon jeune voisin de siège est blême. "No me gusta", m'explique-t-il avec une grimace d'excuse. J'ai trois heures d'attente à Madrid et aucune boutique ne me tente, mis à part un marchand de journaux où j'achète quelques magazines français. Je me pose dans un café où je mange un sandwich au brie (alors qu'il y avait juste marqué "cheese" sur la carte et que le brie est à peu près la sorte sorte de fromage que je déteste) avec des frites froides qui s'avèrent être des Fritelles. Beurk. Le second vol se déroule sans incident, et à l'arrivée vers 22h05, je suis plus que ravie de retrouver Chouchou qui semble avoir passé une semaine difficile en mon absence. La prochaine fois, nous partirons ensemble!

vendredi 8 mai 2009

Maroc - Marrakech


Nous nous levons tôt ce matin pour faire l'ouverture du jardin Majorelle, attenant à la propriété de feu Yves Saint-Laurent et son compagnon Pierre Bergé. Lorsqu'Antonia veut nous prendre des billets couplés avec la visite du musée de l'Islam qui se trouve à l'intérieur, on lui répond que celui-ci est fermé pour rénovation. Les hommes en noir ont encore frappé... Un premier tour d'horizon, puis chacune d'entre nous se choisit un sujet de dessin et un endroit où s'asseoir. Je m'installe face à l'entrée du fameux musée de l'Islam dont la porte m'inspire. Mais les couleurs sont difficiles à rendre; je n'ai pas d'éléments solides pour border convenablement mon aquarelle et les touristes de plus en plus nombreux font bouger le banc sur lequel je suis assise ou regardent par-dessus mon épaule et commentent sans la moindre gêne, ce qui me donne envie de mordre au lieu de continuer à peindre. Je me recroqueville sur mon carnet comme une élève de primaire qui veut empêcher son voisin de copier sur elle.

Avec tout ça, je salope un tracé au feutre pourtant assez réussi. Je suis en train de désespérer quand deux gardiens m'abordent gentiment et engagent la conversation. La jeune femme est originaire d'Essaouira et ravie quand je lui dit que j'ai beaucoup aimé cette ville; je lui montre l'aquarelle que j'en ai faite et elle pousse des exclamations enthousiastes. L'homme est peintre à ses heures perdues, visiblement beaucoup plus doué que moi. Il me donne quelques trucs, change l'eau sale de mon gobelet et m'aide à faire un mélange pour rendre au mieux la couleur des fleurs de bougainvillée. Je lui dis que je suis là avec un groupe, et il s'avère qu'il connaît Antonia: il a même sa carte dans son portefeuille! Malgré mon dessin raté, je suis toute contente de cette rencontre.

Je retrouve le reste du groupe à la sortie, et nous nous dirigeons sous un soleil de plomb vers le Guéliz, un quartier moderne de Marrakech. Effectivement, le contraste avec la medina est énorme. A l'extérieur du rempart, les rues sont moins décrépites et plus propres mais considérablement plus occidentalisées et dénuées de charme - ou d'ombre, en raison de leur largeur. Je ne tarde pas à mourir de chaud et de soif, mais vu que nos doyennes Doris et Geneviève avancent sans piper mot, je trouverais un peu indécent de me plaindre. Tout de même, il doit faire dans les 40° et un petit Coca light serait le bienvenu... Mais avant d'atteindre le café où nous sommes censées déjeuner, Antonia marque un arrêt dans le magasins de sacs dont elle m'avait vanté la beauté. A l'intérieur, que des copies de grandes marques; je reconnais notamment mon Darel bien-aimé, plus le Charlotte à nouettes qui fut la coqueluche des fashionistas il y a deux ans, et le Marc Jacobs qui dort dans ma penderie depuis quatre ans et demie. Le cuir est joli mais je ne suis pas tentée du tout. Par contre, le propriétaire qui (refrain habituel) connaît bien Antonia veut absolument lui acheter le carnet de voyage en noir et blanc qu'elle a réalisé lors de son précédent séjour à Marrakech. Antonia refuse en arguant de la valeur sentimentale de ce carnet, et il finit par lui faire cadeau du petit sac rouge qu'elle voulait acheter "pour la récompenser de son talent". Antonia, c'est la version live de la blogueuse influente finalement.

Nous nous installons au Solaris pour manger de grandes salades. Le pain qu'on nous apporte est rassis, et quand Antonia demande au serveur de nous le changer, celui-ci nous prend de haut, genre "elles sont bien difficiles les touristes cette année". Antonia insiste, et il s'exécute de mauvaise grâce. Un peu plus tard, il nous apporte en cadeau une soupe qui a un sale goût de beurre rance et à laquelle la plupart d'entre nous ne touchent pas. Les salades sont correctes, mais nous les avons attendues trois plombes. Idem pour mon dessert (une magnifique salade de fruits) et les jus ou cafés des autres filles. Nous réglons sans laisser de pourboire. Pendant que j'attends Antonia partie aux toilettes, le serveur commence à débarrasser notre table en grommelant, et je crois bien l'entendre nous insulter.

Nous repartons vers la medina, toujours sous un soleil de plomb (nous apprendrons plus tard qu'il faisait 40° à Marrakech cet après-midi). Au niveau des remparts, nous nous arrêtons au centre artisanal où les articles sont plus chers que dans les souks et où on ne peut guère marchander. Je fais quand même l'emplette d'une mignonne boîte en cuir vieux rose avec un dromadaire embossé sur le dessus, qui sera parfaite pour mettre mes bagues, et d'une troisième paire de babouches (heureusement que je ne comptais pas en acheter). Soudain, en fouillant dans mon sac, je réalise que je n'ai pas mon appareil photo. La dernière fois que je l'ai vu, c'était sur la table du Solaris. Et vu la façon dont ça s'est passé avec le serveur, celui-ci aura sûrement empoché mon Lumix. Adieu, les centaines de jolies phoos prises depuis le début de la semaine! J'en pleurerais. D'ailleurs, j'en pleure un peu. Antonia me rassure: "Les Arabes ne sont pas voleurs: Allah les regarde". Et Valérie utilise gentiment son téléphone (je n'ai plus de crédit dans le mien) pour appeler le Solaris et demander s'ils n'auraient pas trouvé mon appareil photo. Réponse: si!!! Décidément, la chance sourit aux étourdies (renseignements pris, il semble qu'aucune opération frauduleuse n'ait été réalisée à l'aide de ma carte Visa oubliée vendredi dernier dans un distributeur).

Nous repassons au riad boire un thé et nous reposer un peu, puis Antonia et moi retournons en taxi au Solaris pour récupérer mon Lumix. Le soir, nous dînons d'un couscous pas extraordinaire, et en dessert, nous avons droit à deux petits verres remplis, l'un de lait de fraise, l'autre de lait d'avocat, tous deux parfumés à la cannelle. En France, je dirais "J'aime pas" et je n'y toucherais pas. Là, je goûte et je trouve ça délicieux. Il va décidément falloir que je revoie mes préjugés - tous mes préjugés - à la baisse.

jeudi 7 mai 2009

Maroc - Essaouira, Sidi Kaoki


Les msemen du Palazzo Desdemona ne valent pas ceux de Fatma, mais enfin ils devraient nous tenir au corps jusqu'à midi. Nous partons nous promener sur au et pied des remparts d'Essaouira. Le temps est toujours aussi magnifique, bien qu'un peu frisquet en ce début de matinée, et la lumière très belle appelle les photos - mais gare au contre-jour! Les ruelles que nous longeons sont presque désertes; quel contraste après l'agitation de Marrakech... Nous repérons deux belles portes côte à côte et nous arrêtons pour les dessiner. Je m'assois en tailleur à même le sol; Antonia a apporté son siège pliant et d'autres filles squattent une marche devant l'entrée de la maison d'en face. Comme une gourde, j'utilise le mauvais feutre, celui qui a la pointe ultra-fine mais dont l'encre n'est pas résistante à l'eau. Je ne pourrai donc pas aquareller mon croquis avec le fameux bleu d'Essaouira.

Achetant au passage quelques menues babioles pour touristes (mini-babouches, cartes postales, foulards...), nous nous dirigeons ensuite vers la place du marché aux grains où nous sommes déjà passées hier. Nous nous asseyons à la terrasse d'un salon de thé baptisé "Au bonheur des dames", où nous sirotons de délicieux cocktails de fruits. Puis les autres filles se remettent à dessiner, et comme je commence à saturer un peu, je pars me promener dans les environs. Je récupère les babouches achetées hier (désormais munies d'une semelle à ma taille) et retourne seule à la galerie des bijoutiers. Comme je m'enquiers du prix de la bague en forme de fleur qui me plaît tant, et demande à combien il me fait les deux si je lui prends aussi un joli pendentif d'ambre à la monture d'argent délicate, le jeune marchand m'invite à m'asseoir dans sa minuscule boutique et part nous commander un thé à la menthe. En attendant l'arrivée de celui-ci, nous bavardons pendant qu'Abdou nettoie les bijoux de sa vitrine. Il me pose des questions sur mon pays et me demande comment je trouve Essaouira. Evidemment, je n'ai que du bien à en dire. La conversation s'éternise et je crains que les filles ne s'impatientent sur la place, d'autant que nous avons rendez-vous avec notre chauffeur en fin de matinée. Abdou veut que je vienne manger un tajine chez lui ce soir; je lui réponds que je repars aujourd'hui même et me retiens de lui faire remarquer que je pourrais être sa mère. Au final, j'obtiens les deux bijoux qui m'intéressent pour 620 dh au lieu des 680 initialement annoncés, et Abdou m'offre en plus deux petits pendentifs (une babouche et une Khamsa, ou main de Fatima). J'ai passé un moment sympa en sa compagnie et j'en suis toute contente.

A midi et demie, après être repassées à l'hôtel pour récupérer nos bagages, nous retrouvons Rachid et son minibus à l'extérieur des remparts. Une petite heure de route nous conduit à Sidi Kaoki (prononcer Kaouki), un spot de surfeurs assez connu. Nous ne sommes pas là pour mater du muscle huilé, cependant, mais pour dessiner le marabout que la marée haute nous interdit malheureusement de contourner afin de nous placer de son côté le plus lézardé. Après avoir avalé les sandwichs apportés avec nous d'Essaouira, nous nous installons à la terrasse d'un café qui offre une vue moins spectaculaire mais néanmoins satisfaisante sur ledit marabout. Je dessine sur une feuille de mon vieux livre écrit en arabe, utilisant de la gouache blanche pour les faces ensoleillées du bâtiment. Le résultat me plaît bien même s'il coûte la vie à mon verre de Coca projeté à terre par un coup de coude malencontreux.

Vers 15h30, nous reprenons le chemin de Marrakech. Cette fois, le trajet me semble très long. Il fait beaucoup plus chaud qu'à l'aller et avec les vitres ouvertes (le minibus n'est bien entendu pas climatisé), nous avalons beaucoup de poussière et de fumée d'échappement. Les yeux me piquent et le temps se traîne. Nous faisons une halte dans un café où on nous sert un litre de jus d'orange chacune - ce sera un miracle si nous arrivons à dormir ce soir. Le propriétaire demande si nous voulons qu'il rajoute du sucre et s'entend répondre un "non!" choral et retentissant.

Nous sommes rentrés au riad Sahara Nour largement à temps pour le dîner, qui se compose d'une soupe et d'un tride: un plat marocain à base de msemen, de lentilles aux oignons et de poulet. Je me serais bien passée des lentilles qui alourdissent inutilement l'ensemble, mais je suis fan du msemen utilisé comme des pâtes. Après le dessert, nous discutons très tard et rigolons encore pas mal, espérons que ça facilitera notre digestion!

mercredi 6 mai 2009

Maroc - Essaouira


Aujourd'hui, je suis obligée de me lever à 6h30... mais en récompense de mes efforts, j'ai droit à une douche chaude, la première depuis mon arrivée au Maroc. Après un petit-déjeuner rapide, nous partons en minibus, direction Essaouira. 200 km à peine séparent cette ville côtière de Marrakech, mais ici, on ne peut pas rouler très vite, et le trajet est censé prendre trois bonnes heures. Comme je suis souvent malade en voiture, je monte à l'avant avec Rachid notre chauffeur et Antonia. Nous sommes un peu serrés mais il ne fait pas trop chaud, alors ça va. Les abords de la nationale sont plutôt désertiques dans l'ensemble, mais nous marquons deux arrêts en chemin: le premier dans un café pour boire quelque chose de frais (= un jus d'oranges locales délicieux et ridiculement bon marché), le second dans une coopérative de femmes qui fabriquent de l'huile d'argan alimentaire et cosmétique. L'argan ne pousse qu'au Maroc et depuis que le reste du monde se passionne pour ses vertus, c'est devenue une ressource importante dans ce pays. Une "guide" nous débite un petit laïus appris par coeur - mais néanmoins intéressant - sur la fabrication de l'huile. Nous avons également la possibilité de goûter celle-ci avec de petits morceaux de pain. Conquise par son goût qui rappelle vaguement la noisette, j'en achète une bouteille pour parfumer mes salades estivales. Pour ce qui est de la cosmétique, ayant la peau grasse à la base, je juge inutile d'en rajouter une couche.

Nous arrivons à Essaouira en fin de matinée. Les palmiers et l'odeur d'iode me donnent l'impression d'être de retour au bord de la Méditerranée (alors que nous sommes sur l'Atlantique, comme me le rappelle Valérie). On m'a dit et répété que cette ville était assaillie par le vent et que beaucoup de gens trouvaient ça pénible. Nous avons de la chance: aujourd'hui, il n'y a qu'un souffle d'air en provenance du large, juste de quoi tempérer la chaleur du soleil. Nous passons déposer nos bagages au Palazzo Desdemona où nous devons dormir ce soir. Ma chambre est perchée très haut et bien entendu, il n'y a pas d'ascenseur: ça me fera toujours éliminer quelques-unes des calories de la cuisine de Fatma. Pour le déjeuner, nous nous dirigeons vers l'enfilade de restaurants de poissons et de coquillages situés près du port. Antonia marchande dur le contenu et le prix de notre plateau. N'étant pas fan de bêtes à coquille, je mange assez peu - et refile les restes à une minuscule chatte tortie qui erre entre les jambes des clients. Elle est si mignonne que je l'emmènerais volontiers. Les matous errants ne doivent pas vivre bien vieux ici...

Après avoir acheté une glace à l'italienne (pas très couleur locale mais délicieuse) et bu un thé à la menthe (what else?) sur la terrasse du Tarus, nous nous dirigeons vers le port proprement dit. Nous espérons trouver des éclats de peinture issus des célèbres barques bleues d'Essaouira pour les coller dans nos carnets, mais la récolte est maigre. En revanche, mon Lumix s'en donne à coeur joie avec cette lumière et ces couleurs sublimes. Puis nous nous asseyons sur un muret pour dessiner, qui la silhouette de la ville, qui les barques ou les mouettes (en essayant d'éviter les déjections dont elles bombardent le coin). Très appliquée sur mon aquarelle, je ne vois pas le temps passer mais suis encore la dernière à finir.

Après ça, Pascale et Doris décident de partir de leur côté pendant que le reste du groupe se met en quête d'une tannerie recommandée par Mohamed Boustane hier. Très vite, nous sortons des quartiers à touristes et nous engageons dans une avenue où la large chaussée n'est que gravier et poussière, ponctuée ça et là par quelques tranchées d'évacuation des eaux usées. Le coin est presque désert et ressemble vaguement à Beyrouth. Nous marchons assez longtemps. A trois reprises, nous demandons notre chemin à des Marocains qui ne comprennent pas ce que nous cherchons et nous indiquent des directions farfelues. Enfin, Geneviève a la bonne idée d'alpaguer un monsieur qui vient de démarrer sa voiture. Celui-ci nous conduit très gentiment à notre destination et nous sert même d'interprète avec le tanneur, un vieil homme prénommé Larbi qui ne parle pas un mot de français. Jamais je n'aurais cru qu'un endroit aussi décrépit et bordélique puisse abriter une entreprise.

Pendant qu'Antonia, Valérie et Geneviève examinent une tripotée de peaux de chèvres naturelles ou teintes en rouge dans un minuscule réduit sans lumière, j'observe une fois de plus les jeux des chats errants qui pullulent dans les allées. J'essaie de les prendre en photo, mais c'est drôlement vif ces bestioles! Les achats effectués, notre interprète s'éclipse et les filles tentent de prendre congé. Mais Larbi n'en a pas fini avec nous. Des troupeaux d'étrangères, il ne doit pas en voir débarquer tous les jours, et il veut prolonger le moment au maximum. Il nous montre les différentes étapes de la fabrication des peaux: foulage aux pieds dans des cuves, teinture, séchage sur cadre... Il accepte même de poser, hilare, avec Régis, Valérie, Sylvie et une de ses peaux. Une chouette photo viendra témoigner de cette rencontre hors du commun.

Sur le chemin du retour, pour nous remettre de nos émotions, nous effectuons quelques emplettes, notamment des babouches en raphia chez un marchand qu'Antonia connaît bien (d'ailleurs, je vais finir par croire qu'elle connaît tout le monde ici; c'est hallucinant le nombre de gens qui l'interpellent dans les souks). Dans la galerie des bijoutiers, je craque pour une très jolie bague en forme de fleur, mais malheureusement la boutique est déjà fermée. Qu'à cela ne tienne: un peu plus loin, je repère une autre bague en ambre verte, dans une boutique ouverte cette fois. Avec l'aide d'Antonia, je l'achète pour 280 dh. Puis nous rentrons retrouver les autres à l'hôtel.

Pour notre repas du soir, nous choisissons un resto qui propose les mêmes plats que tous les autres établissements de la rue mais dont la déco nous inspire. Effectivement, l'intérieur est très joli, mais le serveur a la célérité d'un escargot neurasthénique et la bouffe est plus que médiocre. Je ne prends pas de carte de visite.

mardi 5 mai 2009

Maroc - Marrakech


Aujourd'hui, nous restons au riad pour un cours de calligraphie avec Mohamed Boustane. Nous travaillons toute la matinée dans le salon où François nous a installé une table un peu trop petite et à la suface pas vraiment plane. L'outil utilisé pour la calligraphie arabe est un bambou à la pointe taillée en biais, appelé "calame", que l'on doit tenir selon un angle de 45°. L'encre utilisée est du brou de noix délayé dans de l'eau (mais on peut aussi se servir d'acajou ou d'autres produits de différentes couleurs). Mohamed nous fait faire tout un tas d'exercices à base de points pour maîtriser la tenue et le maniement du calame. Puis nous passons aux lettres et aux mots. C'est très difficile de faire des pleins et des déliés propres en allant de droite à gauche et en appuyant juste le nécessaire pour déposer la bonne quantité d'encre sans jamais tomber en panne sèche au mauvais moment. Nos bambous grincent sur le papier blanc tandis que nous nous appliquons avec plus ou moins de succès.

Nous nous interrompons pour déjeuner. Pendant le repas (un tajine de boeuf suivi de rondelles d'orange à la cannelle, of course...), Mohamed nous raconte l'histoire de son père qui voulut faire la révolution, fut envoyé en prison et lui donna un jour le conseil de ne jamais se mêler de politique. Depuis, il vit en retrait des affaires du monde en ne se préoccupant que de son art. Il est très branché spiritualité et a un discours tellement mystique que j'ai du mal à comprendre ce qu'il raconte. Je connais le sens des mots pris individuellement, mais les phrases qu'il forme avec ne signifient rien pour moi. "La calligraphie est au-dessus de la séduction", par exemple. Ou "Je suis le point en dessous du b; sans moi, la lettre b ne peut se réaliser". Gni? Mais c'est un vrai personnage et, incontestablement, un artiste très doué.

L'après-midi, nous nous installons sur la table de la terrasse, beaucoup mieux éclairée et plus confortable que celle du salon. Par contre, il y fait un peu chaud et notre attention ne tarde pas à retomber. Mohamed doit le sentir, car il nous propose un petit jeu assez rigolo: faire des empreintes de nos mains. Il commence par badigeonner une feuille de papier aquarelle avec le brou de noix dont nous nous servons pour écrire. Lorsque l'encre est sèche, il nous enduit une main avec de l'eau additionnée de très peu de brou de noix. Puis il nous fait appuyer cette main très fort sur la face teintée du papier, pendant quelques secondes, avant de la retirer d'un coup. Le résultat est très chouette. Une fois l'empreinte sèche, il est possible d'écrire dessus ou autour en utilisant un calame trempé dans de l'eau de Javel. Je me livre à quelques essais peu satisfaisants, que je recouvre de brou de noix pour les faire disparaître.

Vers 17h30, Mohamed nous quitte, non sans avoir gentiment sacrifié au rituel de la photo avec Régis. Nous travaillons un peu sur nos carnets. François se décide enfin à tester ma douche et à reconnaître que non, je ne suis ni folle ni stupide: il n'y a effectivement pas d'eau chaude dans ma salle de bain. Mieux vaut tard que jamais, hein. Comme solution, il me donne les clés de la chambre d'en face, actuellement libre. Là, il y a bien de l'eau chaude... mais qui coule au goutte-à-goutte. Génial.

Le soir, nous partons dîner sur la fameuse place Jemma El Fna (sans Doris qui, fatiguée, a préféré rester au riad pour se reposer, d'autant que ce n'est pas son premier séjour à Marrakech). Des tas d'échoppes démontables proposent brochettes et grillades de viande ou de poisson. Nous nous installons à la 81 qu'Antonia a déjà testée sans que personne dans son groupe soit malade le lendemain. Nous commandons des frites pas terribles, des aubergines trop grasses, des épinards qui ressemblent plutôt à des salicornes et des brochettes de mouton franchement moyennes. Mais on s'en fout: l'ambiance est sympa, l'addition légère, et on passe un bon moment. Après ça, nous jetons un coup d'oeil aux différents artistes de rue qui se produisent un peu plus loin, mais ils sont assez peu nombreux ce soir et aucun ne retient vraiment notre attention.

lundi 4 mai 2009

Maroc - Marrakech


Levée à 7h30. Alors que je suis sous la douche, les cheveux pleins de shampoing et le corps enduit de savon, l'eau devient subitement glacée. Damned. Pendant que nous petit-déjeunons sur la terrasse du haut, je reçois un texto de Chouchou m'informant que l'agence Dexia de la place Jourdan n'a pas ma carte Visa. Double damned. J'arrive malgré tout à rester d'humeur égale; hourra pour moi.

Nous passons la matinée au Dar Cherifa, un café littéraire doté d'une très belle architecture, à dessiner dans la cour intérieure. C'est la toute première fois que je me lance dans l'aquarelle, et même si c'est un peu laborieux, le résultat ne me paraît pas trop moche. Après avoir bu un jus (avocat ou amandes pour les autres filles, orange-fraise plus classique pour moi), nous partons en direction de la Place des Epices.

Nous traversons les souks et perdons une partie du groupe en route, mais la retrouvons au Café des Epices où nous avons prévu de déjeuner. Je prends un sandwich végétarien qui s'avère beaucoup moins sympa que les salades composées de mes compagnes, puis m'attelle à reproduire la ligne d'horizon. Quand la chaleur finit par nous chasser de notre table en terrasse, nous effectuons quelques emplettes sur la place en contrebas - notamment des motifs au henné que nous faisons tracer à même nos carnets par une jeune fille très maigre et très sérieuse prénommée Laïla.

La suite de l'après-midi est consacrée à des visites culturelles: la Medersa, une école coranique bourrée de touristes, puis le Musée de Marrakech où se tient en ce moment une exposition de carnets de voyage extraordinaires: énormes et bourrés d'éléments en relief (coquillages, pièces, perles, plumes, bijoux...). J'aime particulièrement celui consacré au Népal avec ses mosaïques de photos cousues. Nous dessinons un long moment les objets marocains présentés dans des vitrines (un poignard et une fibule pour moi) pendant qu'un gros orage éclate dehors.

Nous profitons d'une accalmie pour passer rapidement à la Kouba et rentrer au riad. Séance de travail collective sur les carnets, puis dîner: en entrée, de la harira, une soupe de céréales très épicée; en plat, un ragoût de poisson; en dessert, du raib (lait caillé) et une longue conversation pleine de fou-rires.

dimanche 3 mai 2009

Maroc - Marrakech


Pas d'eau chaude pour me doucher ce matin: la journée commence bien... J'étais la première couchée hier soir; je suis la dernière levée ce matin. Hum. Je fais la connaissance des 4 autres stagiaires: Sylvie (Parisienne, grande habituée des stages de carnets de voyage), Pascale (pédiatre à Hendaye), les deux copines Doris (doyenne du groupe, me fait beaucoup penser à ma tante Jeanne) et Geneviève (passionnée de jardinage). Nous petit-déjeunons au salon puis avons droit à une interminable réunion d'information avec François sur la terrasse. Il nous fait perdre la moitié de la matinée en nous répétant le contenu de ses différents mails et nous recommande de ne pas tomber amoureuses d'un Marocain. Euh, de quoi je me mêle? Nous avons toutes entre 38 et 67 ans; je pense que nous sommes assez grandes pour faire nos propres choix...

Du coup, il est déjà tard lorsque nous partons pour le marché aux vieux livres, situé contre les remparts à l'extérieur de la medina. Dans les rues, nous devons faire attention aux très nombreux vélos et mobylettes qui ne ralentissent jamais. Et en l'absence de feux tricolores, traverser la moindre avenue s'avère un sport à haut risque. Après avoir acheté de vieux manuels scolaires à 10 dh pièce (environ 1 €) pour nous servir de papier de fond, nous faisons un tour dans un supermarché voisin. L'occasion de constater qu'ici, la monnaie est une denrée rare: même les caissières n'ont pas le change sur un pauvre billet de 200 dh!

Nous déjeunons au riad d'un succulent tajine de poulet aux citrons confits et aux olives vertes, suivi par des fraises à la cannelle (décidément!). A ce rythme-là, je crains que mes pantalons en toile déjà fort justes n'explosent avant la fin de la semaine... Puis nous faisons des exercices de frottage au pastel sur papier de soie ou papier imprimé. Mes Sennelier sont beaucoup trop gras; on dirait de l'huile colorée en bâton. Je ne suis qu'à moitié satisfaite du résultat mais note la technique dans un coin de ma tête pour une autre occasion.

Il pleut un peu en fin d'après-midi. Dès que le ciel se dégage, nous sortons faire un tour dans les souks. L'étroitesse des allées, l'entassement des marchandises dans les échoppes exiguës, les odeurs diverses et variées, les marchands qui ne cessent de nous interpeler: tout est tel que je l'imaginais. J'achète de beaux carnets en cuir dans une boutique dont Antonia connaît le propriétaire, plus une breloque en passemanterie rose et une petite théière marocaine pour ma collection; j'en repère aussi une grande, ancienne et très belle, que je repasserai peut-être chercher plus tard. Dîner au riad (kefta et aumônières à la glace vanille).

samedi 2 mai 2009

Maroc - Marrakech


Levée à 5h30, glups! Chouchou m'accompagne courageusement en voiture à l'aéroport. Le premier vol Bruxelles-Madrid se déroule sans histoire; je passe le plus clair du temps à dormir. Par contre, une fois à Madrid, je m'aperçois que ma carte Visa ne se trouve pas à sa place habituelle dans mon portefeuille. En réfléchissant, je réalise que j'ai dû l'oublier hier dans le distributeur de la place Jourdan où j'ai retiré des sous à changer à mon arrivée. Légère panique. J'appelle Chouchou pour lui demander de faire opposition, mais il a pu s'en passer des choses ces 17 dernières heures... Au pire, je pense que mon assurance devrait me rembourser. J'essaie de ne pas me laisser gâcher mon début de vacances, mais pour une angoissée naturelle comme moi, ce n'est pas évident.

L'avion d'Iberia Airlines se pose à Marrakech à 12h20 heure locale (14h20 en France). Le contrôle des passeports s'éternise. Dans le hall des arrivées, je retrouve Majoub, le chauffeur de taxi envoyé par le riad, un adorable vieux monsieur à moitié édenté qui conduit une minuscule Fiat pourrie et répond gentiment à toutes les questions dont je le bombarde. Sur le chemin, les massifs de roses et les nombreux arbres fleuris qui bordent les remparts d'ocre rouge de la medina me font pousser des cris de ravissement et oublier ma contrariété. Il fait très beau et ce premier contact avec le Maroc me remplit d'excitation.

Le riad se trouve à l'intérieur de la medina (vieille ville). Nous nous garons sur une petite place devant la mosquée Bab Doukkala et remontons à pied un derb (venelle) désert, dont quelques maisons se sont écroulées et offrent un spectacle assez peu engageant. En revanche, le riad Sahara Nour lui-même est somptueux, une véritable oasis de fraîcheur et de beauté au milieu de cette décrépitude. Je fais la connaissance de Samira, la très gentille gouvernante, puis de François, le propriétaire. Je suis la première arrivée. N'osant pas me lancer seule et avec un plan plus que sommaire dans le dédale de la medina, je m'installe dans le patio pour boire un thé à la menthe, me vernir les orteils (tongues power!) et commencer à dessiner.

Valérie (3 enfants, habite un village près de Montpellier, bosse dans le service informatique d'une grande banque) me rejoint vers 19h. Je suis affamée et fais honneur au repas du soir: salades de tomates, de courgettes et d'aubergines, poisson grillé avec haricots et pommes vapeur, salade de bananes et d'oranges à la cannelle (!). Vers 21h30, je vais me coucher avec "Heart and soul", le dernier Maeve Binchy dont je comprends assez vite qu'il ne va pas m'emballer. Les autres filles ne sont toujours pas là: une a raté son avion et doit attendre le suivant, deux autres sont retardées jusqu'à... 5h du matin!